Citation: Barile, M., (2000). La violence envers les femmes handicapées: Une réalité cachée. L'enigme Journal, 1(4), p.11.

LA VIOLENCE ENVERS LES FEMMES HANDICAPÉES

UNE RÉALITÉ CACHÉE

Par MARIA BARILE

Les femmes qui ont des handicaps multiples subissent plus souvent des violences multiples. Souvent, le manque d'informations contribue à la violence ; dans cet article, je vise à vous informer comment la reconnaître, comment les femmes en général, et les femmes qui vivent une situation du handicap, vivent toutes les formes de violence. En parlant de la violence à l'égard des femmes qui ont des handicaps, nous devons aussi redéfinir la violence de façon à y inclure tant la violence individuelle que la violence systémique.

La violence individuelle

Elle prend place quand des personnes prennent avantage du fait que dans certains domaines de leur vie, les femmes qui ont des handicaps ont besoin d'aide, ce qui les place dans une situation de dépendance face aux autres. Ces femmes sont continuellement dans une position de vulnérabilité plus marquée que les femmes qui n'ont pas de handicaps. Les agresseurs sont conscients de cette situation. Les avocats ne défendent pas avec assez d'énergie le droit de leur clientèle qui a des handicaps à ce que la Loi tienne compte de leurs différences dans les processus judiciaires. Certaines femmes qui ont des handicaps et qui vivent avec un partenaire ont physiquement besoin d'aide de leur partenaire pour leurs soins personnels et l'entretien de leur foyer, ce qui les place dans une position inégale et de dépendance. Les femmes qui ont des handicaps doivent souvent rester au domicile de leurs parents plus longtemps et sont soumises à des rôles désuets et mal définis. Souvent, la vulnérabilité et la dépendance forcent ces femmes à accepter des actes, des comportements des membres de leur famille qu'elles n'accepteraient pas si elles n'avaient pas d’handicaps.

La violence systémique

II s'agit ici de la violence perpétuée par le silence à l'intérieur du système social, les formes de violence dont on ne parle jamais, telles que : quand elles vivent en institution, les femmes qui ont des handicaps et les femmes âgées sont vulnérables à la violence de certains membres du personnel qui abusent d'elles physiquement ou sexuellement. Ces femmes sont souvent très isolées ; elles ne savent pas que la sécurité est un droit et qu'il y a des ressources pour la faire respecter. Le système social ignore les conditions spécifiques de la vie des femmes qui ont des handicaps et contribue ainsi à transformer les femmes qui ont des handicaps physiques ou intellectuels en proies plus faciles pour les agresseurs.

Le système judiciaire

II reproduit les mythes populaires qui veulent que les personnes qui ont des handicaps soient comme des enfants, incapables de distinguer les faits des fantasmes. Il place le fardeau de la preuve sur les épaules des plaignants, tout en n'acceptant pas comme valides des méthodes différentes de porter témoignages comme le langage par signes, les communications par le système de symboles Bliss ou les témoignages sur vidéo (qu'il accorde pourtant aux enfants). Ce système renforce ainsi le pouvoir des agresseurs et affaiblit la position des femmes, des hommes et des enfants qui ont des handicaps quand ils veulent dénoncer la violence qu'ils subissent en utilisant les moyens de communication qui leur sont propres. Chaque fois que l'État ne rend pas accessibles aux femmes qui ont des handicaps les services disponibles aux autres femmes, il contribue à la violence en ce sens que, faute d'accès aux ressources, les femmes qui ont des handicaps sont forcées de demeurer dans des situations malsaines et violentes.

La violence économique

On crée la violence économique en refusant les ressources financières et matérielles adéquates pour répondre aux besoins individuels et collectifs ; en rendant impossible aux femmes qui ont des handicaps un accès égal aux ressources disponibles aux autres femmes ; en affirmant que ça coûterait trop cher d'adapter les ressources qui visent à assurer la sécurité des femmes qui ont des handicaps contre tous les aspects qui les placent dans des positions vulnérables.

La violence médicale

II y a violence médicale si le personnel médical ne vous donne pas toutes les informations nécessaires sur votre cas. Vous vous sentez diminuées, méprisées ; le personnel médical vous fait volontairement sentir que vous ne connaissez pas ou n'avez pas à connaître toutes les informations relatives à votre dossier ; on vous opère ou vous fait subir un traitement sans votre consentement ; on vous demande d'enlever vos vêtements pour découvrir une partie de votre corps qui n'a aucun rapport avec la raison de votre visite ; on vous touche sur une partie de votre corps qui n'a aucun rapport avec la raison de votre visite ; on vous impose des comportements sexuels.

La violence conjugale : la plus silencieuse * :

C'est agir sur l'autre membre du couple ou la faire agir contre sa volonté en employant la force ou l'intimidation une ou plusieurs fois, pour la contrôler ou la dominer.

La violence verbale : la plus oubliée * :

L'emploi d'un langage grossier ou injuriant ; l'usage de railleries, de critiques ou de propos humiliants ; les interdictions exagérées, les insultes ou les menaces.

La violence psychologique : la plus méconnue * :

Elle se situe principalement au niveau des attitudes et des comportements ; elle est souvent reliée à la violence conjugale. Elle a pour effet de dénigrer la personne dans sa valeur en tant que personne. Elle mène souvent à la cruauté mentale : bouderie, indifférence, silence, contrôle des vête-ments et de la nourriture, exigences excessives par rapport aux tâches, contrôle de l'argent, volonté de penser ou de décider pour l'autre. Elle se manifeste également sous forme de menaces d'abandon, de déportation, d'enlever ou de tuer les enfants, de tuer les animaux favoris, de briser des objets chers, etc.

L'agression sexuelle : la plus redoutée et la plus cachée * :

Geste résultant d'un profond sentiment d'agressivité et d'une grande volonté de contrôle, mais dans le but de satisfaire un besoin sexuel contre les grés de la partenaire.

La violence physique : la plus connue * :

Sa présence indique souvent que toutes les autres formes de violence sont également présentes. Souvent, c'est le manque d'informations et les silences qui perpétuent la violence. Nous espérons que cette information pourra aider à l'élimination de la violence des femmes qui vivent en situation d'handicap.

Description tirée de Guide de sensibilisation & la violence conjugale, publié en 1992 par la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficultés du Québec.

 

MARIA BARILE est militante au sein du groupe Action des femmes handicapées de Montréal.